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Directive (UE) 2020/2184 : Révision des normes de qualité de l’eau potable dans l’Union européenne

Dernière mise à jour : il y a 6 heures

La Directive (UE) 2020/2184, adoptée le 16 décembre 2020, marque un tournant majeur dans la gestion de l’eau potable au sein de l’Union européenne. Elle remplace la directive de 1998 (directive 98/83/EC) et vise à garantir un accès universel à une eau sûre et de haute qualité, tout en renforçant la transparence, la surveillance et la gestion des risques. Ce texte réglementaire a des implications importantes pour les fournisseurs d’eau, les industries de matériaux rentrant en contact avec l’eau potable, ainsi que l’ensemble des acteurs du secteur.


Dans cet article, nous présentons les objectifs clés, les nouvelles exigences et les points essentiels de cette directive afin de mieux comprendre son impact sur les pratiques de gestion de l’eau. Nous introduisons également la notion de listes positives, qui fera l’objet d’un prochain article dédié.


La révision de la Directive Eau Potable s’inscrit dans l’engagement fort de l’Union européenne en faveur de la protection de la santé publique et de l’environnement, en garantissant un accès à une eau propre et sûre. Initialement adoptée en 1998 et largement révisée en décembre 2020, la directive a été mise à jour pour intégrer les avancées scientifiques et répondre à l’émergence de nouveaux contaminants, tels que les perturbateurs endocriniens et les microplastiques.

Cette révision constitue également une réponse directe à l’initiative citoyenne européenne « Right2Water », qui souligne le droit fondamental des citoyens à accéder à une eau potable de haute qualité.


La Directive révisée (UE) 2020/2184 est entrée en vigueur le 12 janvier 2021 et impose aux États membres de transposer ses dispositions dans leur législation nationale au plus tard en janvier 2023. Son ambition globale est de garantir à tous les citoyens de l’UE des normes parmi les plus strictes au monde en matière d’eau potable, tout en promouvant une gestion durable des ressources et en renforçant la confiance des consommateurs dans l’eau du robinet.


1. Objectifs clés de la Directive révisée

L’objectif principal de cette directive est de protéger la santé publique tout en améliorant la qualité de l’eau potable dans l’ensemble de l’Union européenne. Pour ce faire, la directive fixe plusieurs objectifs spécifiques :

  • Protection de la santé publique : L’eau potable doit être exempte de contaminants chimiques et microbiologiques susceptibles de nuire à la santé.

  • Amélioration de l’accès à l’eau potable : Garantir un accès universel à une eau sûre, propre et abordable.

  • Renforcement de la surveillance : Mise en place d’exigences accrues en matière de contrôle qualité et d’évaluation des risques.

  • Gestion durable de la ressource : Mesures visant à protéger les ressources en eau face au changement climatique et aux pressions environnementales.


2. Nouveaux paramètres de qualité et mécanisme de liste de vigilance

La directive révisée introduit une évolution significative du cadre réglementaire européen en matière d’eau potable en actualisant les paramètres de qualité et en mettant en place un mécanisme de liste de vigilance afin de garantir un haut niveau de protection sanitaire face aux nouveaux enjeux environnementaux.


Conformément à l’article 5, les États membres veillent à l’application des valeurs paramétriques établies à l’Annexe I, qui incluent des paramètres indicateurs, microbiologiques et chimiques. La révision intègre les données scientifiques les plus récentes ainsi que les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), menant à l’ajout de nouvelles substances chimiques telles que le Bisphénol A, les PFAS (Somme et Total) ou encore le chlorate. Ces ajouts reflètent les préoccupations croissantes concernant les perturbateurs endocriniens, les résidus pharmaceutiques, les microplastiques et divers polluants organiques persistants, renforçant ainsi la sécurité sanitaire à long terme de l’eau potable dans l’UE.


En complément de ces standards fixes, la Directive introduit un mécanisme dynamique de liste de vigilance, prévu à l’article 13. Cet outil sert à surveiller de manière préventive les substances émergentes préoccupantes, qui ne disposent pas encore de seuils réglementaires obligatoires, mais qui pourraient nuire à la santé humaine. La Commission européenne est chargée d’établir et de mettre à jour périodiquement cette liste sur la base de données scientifiques et d’informations fournies par les États membres.

La première version inclut notamment le 17-β-estradiol et le nonylphénol, tous deux reconnus comme perturbateurs endocriniens.


3. Approche fondée sur les risques et gestion des système d'approvisionnement

La directive renforce la surveillance de la qualité de l’eau et impose une approche entièrement fondée sur les risques pour la sécurité de l’eau (article 7). Cette approche est mise en œuvre conformément au plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau (PGSSE) élaboré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les États membres doivent garantir la mise en œuvre de cette approche globale fondée sur les risques.


Les PGSSE constituent des approches proactives d’évaluation et de gestion des risques, reconnues comme la méthode la plus fiable pour gérer les approvisionnements en eau potable et protéger la santé publique. Cette approche repose sur une planification préventive de la sécurité et sur le principe des barrières multiples. Le cadre européen d’évaluation des risques comprend trois volets : le risque lié au bassin d’alimentation (article 8), le risque lié au système d’approvisionnement (article 9) et le risque lié au système de distribution domestique (article 10). Concrètement, les PGSSE appliqués dans ce cadre comprennent :

  • Identification des risques : Les fournisseurs d’eau, chargés de l’évaluation des risques du système d’approvisionnement, doivent identifier les dangers (agents biologiques, chimiques, physiques ou radiologiques) ainsi que les événements dangereux affectant le système. Cette évaluation doit également tenir compte des risques liés au changement climatique, aux fuites et aux conduites défectueuses. L’identification couvre également les polluants spécifiques pertinents pour les zones de captage.


  • Évaluation, validation et gestion des risques : Une fois les risques identifiés, des stratégies spécifiques doivent être mises en œuvre pour les réduire. Cela implique de déterminer de manière systématique le score de risque (produit de la probabilité et de la gravité) et le niveau de risque. Concernant les mesures existantes, il s’agit de valider l’efficacité des mesures de contrôle mises en place. Sur cette base, les mesures de contrôle sont définies et appliquées pour prévenir et atténuer les risques identifiés dans le système d’approvisionnement. Cela comprend également la mise en œuvre d’un programme de surveillance opérationnelle propre au système (article 13) afin de garantir que les mesures de contrôle fonctionnent comme prévu.


  • Procédures d’urgence et actions correctives : Le cadre des PGSSE inclut l’élaboration de plan d’intervention d’urgence (PIU) pour les situations graves nécessitant une action immédiate et d’envergure, pour lesquelles il n’existe aucune procédure opérationnelle standard. En cas de non-respect des valeurs paramétriques constituant un danger potentiel pour la santé humaine, une action corrective immédiate (article 14) doit être entreprise, pouvant inclure l’interdiction ou la restriction de l’approvisionnement en eau.


Cette approche garantit non seulement une protection immédiate mais contribue aussi à la résilience à long terme des systèmes d’alimentation en eau potable.


4. Matériaux au contact de l’eau potable (Articles 10 et 11)

L’une des avancées majeures de la directive concerne les matériaux destinés à entrer en contact avec l’eau potable. Afin d’éviter la migration de substances dangereuses vers l’eau, la directive établit des exigences minimales pour ces matériaux et instaure un cadre harmonisé au niveau européen.


Le 23 avril 2024, la Commission européenne a publié un ensemble complet d’actes juridiques au Journal officiel de l’Union européenne, comprenant trois décisions d’exécution (UE 2024/365, UE 2024/367, UE 2024/368) et trois règlements délégués (UE 2024/369, UE 2024/370, UE 2024/371).

Ces textes introduisent notamment :

  • Une liste positive européenne des substances de départ, compositions et constituants autorisés dans les matériaux en contact avec l’eau potable.

  • Des méthodologies d’essais harmonisées pour garantir des évaluations de sécurité cohérentes.

  • Une procédure d’ajout de nouvelles substances à la liste positive (Règlement (UE) 2024/369).

  • Des procédures d’évaluation de la conformité et des règles relatives à la désignation des organismes d’évaluation (Règlement (UE) 2024/370).

  • Des spécifications harmonisées pour le marquage des produits, afin d’assurer transparence et traçabilité (Règlement (UE) 2024/371).


Ces règlements, entrés en vigueur le 15 mai 2024, s’appliqueront progressivement à partir du 31 décembre 2026. Ils couvrent les matériaux utilisés dans les nouvelles installations d’extraction, de traitement, de stockage et de distribution de l’eau, ainsi que dans les travaux de réparation.

L’Union européenne adopte ainsi une approche unifiée et scientifiquement fondée pour garantir la sécurité et la qualité de l’eau potable du captage au robinet, renforçant la protection de la santé publique et facilitant la libre circulation des matériaux et produits conformes.


5. Accès à l’information des consommateurs

La transparence constitue un pilier essentiel de la directive. Les consommateurs doivent être régulièrement informés de la qualité de l’eau qu’ils consomment. Les résultats d’analyses doivent être accessibles et compréhensibles, par exemple via des applications mobiles ou sur les factures d’eau.

En cas de contamination, les fournisseurs d’eau doivent informer sans délai les consommateurs des risques potentiels, des mesures correctives engagées et des actions prévues pour restaurer la qualité de l’eau.


Cet effort de transparence vise à renforcer la confiance du public dans l’eau du robinet et à encourager son utilisation au détriment de l’eau embouteillée.


Conclusion

La Directive (UE) 2020/2184 représente une avancée majeure pour garantir une eau potable de haute qualité dans toute l’Union européenne. Elle impose de nouvelles normes sanitaires, renforce les exigences de surveillance et introduit un cadre strict pour les matériaux utilisés dans les infrastructures d’eau potable. Elle adopte également une approche fondée sur l’évaluation des risques via les plans de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau (PGSSE), favorisant une gestion proactive et durable.


Dans un prochain article, nous approfondirons le fonctionnement des Listes Positives Européennes (EUPL), un élément clé de la réglementation des matériaux en contact avec l’eau potable.


Bibliographe

  • Directive (EU) 2020/2184: Directive (EU) 2020/2184 of the European Parliament and of the Council of 16 December 2020 on the quality of water intended for human consumption (recast), OJ L 435, 23.12.2020, pp. 1–62. Disponible sur : http://data.europa.eu/eli/dir/2020/2184/oj (consulté le 19/11/2025).


  • Water safety plan manual: World Health Organization, Water safety plan manual: step-by-step risk management for drinking-water suppliers [en ligne], second edition, 2023, ISBN 978-92-4-006769-1. Disponible sur : https://www.who.int/publications/i/item/9789240067691 (consulté le 19/11/2025).

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